14 octobre 2021

Paul Jarquin, Président de FIBOIS : « Construction bois, c’est le moment d’être ambitieux ! »

Paul Jarquin, élu à la tête de FIBOIS en juin dernier, nous livre sa vision du marché de la construction bois à quelques mois du lancement de la RE 2020. Pour lui, toute la filière est prête à relever le défi. Si les investissements sont d’ores et déjà lancés et les outils de production en cours de modernisation grâce au plan de relance, il faut désormais renforcer l’attractivité des métiers. La filière bois, au cœur de grands enjeux environnementaux, économiques et sociaux a de nombreux atouts pour attirer des jeunes en quête de sens !

© Julien Falsimagne Leextra 

La RE 2020 entre en application début 2022, la construction bois est-elle prête ? 

Tout d’abord, il s’agit d’une avancée logique. La RT 2012 exigeait des bâtiments plus performants, moins énergivores et moins polluants. La RE 2020 prend en compte le stockage carbone et le cycle carbone des matériaux. Nous devons relever le défi du changement climatique en allant vers une performance environnementale… un beau défi pour la construction bois.  La RE 2020 va impacter toute la chaine de valeur de la filière. Nous allons connaitre une période de croissante forte avec des challenges à relever. Avec 30 % de la surface du territoire métropolitain, la forêt français, qui continue à grandir, est la troisième en Europe. La France est un pays forestier. Avec 400 000 emplois elle fait vivre beaucoup plus de foyers que la filière automobile. La filière bois est stratégique, expérimentée et historique, ce n’est pas une filière naissante. En conséquence, elle est prête à relever le défi de la RE 2020 et de la transition écologique.

Comment les acteurs se préparent-ils ?

Il nous faut investir massivement dans les outils de production, en 1ère ,2, et 3ème transformations. Le plan de relance est un formidable levier pour les acteurs du bois. Les entreprises ont aujourd’hui les moyens de réaliser des investissements structurels à moyen et long terme. Les nombreux appels à manifestation d’intérêt lancés par le gouvernement permettent de démultiplier les projets et d’installer la confiance au niveau des marchés. 150 millions d’€ ont été dédiés à la filière bois, à ajouter au milliard d’€ injecté dans l’industrie qui concerne aussi nos activités. Et il faut ajouter à ces montants déjà significatifs, les différents fonds bois de BPIFrance. Il est clair que la filière intéresse de plus en plus les investisseurs à la recherche de marchés d’avenir. 
Le deuxième sujet sur lequel nous devons avancer rapidement, c’est la formation. Nous devons être efficaces sur les chantiers RE 2020. Plus on est préparé et formé, et plus on est efficace et performant en termes de coût. Il va nous falloir démontrer qu’en plus de la dimension carbone des chantiers, nous sommes des experts. 

Quels sont les grands enjeux de cette étape de la RE 2020 ?

La filière doit répondre à des enjeux économiques, écologiques et sociaux. Le premier enjeu concerne la règlementation sur les risques incendie.  Le gouvernement a avancé sur le sujet et des textes sont en cours d’écriture.  La France est historiquement le pays du béton et ce changement de modèle de construction peut inquiéter avec l’émergence de freins psychologiques de la part des instances de sécurité. La filière doit démontrer comme les pays nordiques l’ont fait avant nous qu’une règlementation adaptée permet de limiter les risques incendie. Nous avons besoin aujourd’hui de nous mettre en marche rapidement et il va falloir que la réglementation suive … sinon il y a un vrai risque de marché, un risque de tension sur les prix. 
Le deuxième enjeu est celui de notre responsabilité environnementale. Certes le bois va permettre de limiter le bilan carbone des bâtiments. Mais pour la filière, d’autres questions vont se poser : comment améliorer la gestion durable de nos forêts, développer les circuits courts et favoriser les bois français et locaux avec le renforcement de la marque Bois de France. Et puis, nous devons faire de la pédagogie, sensibiliser le grand public aux enjeux d’adaptation de la foret, aux enjeux climatiques, expliquer qu’en exploitant la forêt on ne détruit pas la planète. La forêt est un puit de carbone, qu’il faut optimiser en la gérant et en l’entretenant. Multidimensionnelle, elle fait partie de nos paysages, de nos loisirs et en même temps elle a une fonction économique. 
Enfin, l’attractivité des métiers est aussi un enjeu de taille mais entièrement lié à l’enjeu de la responsabilité environnementale. Les jeunes sont en quête de sens et la filière bois peut répondre à leurs attentes avec des comportements et des solutions vertueuses à tous les niveaux. 

Quel est votre point de vue sur la tension sur les approvisionnements ?

C’est vrai qu’il y a eu une tension sur les prix. Mais cette crise est purement conjoncturelle, elle est due à l’explosion des prix aux USA suite à la spéculation sur les prix du bois. Il faut mettre de côté cette crise. Mais il faut rester attentif et bien évaluer les risques. La ressource bois devient stratégique. La Russie a décidé d’arrêter les exports, la Chine ne coupe plus ses forêts alors que la France a perdu sa souveraineté avec l’Europe.  Les enjeux protectionnistes sont là. Même si cette crise ne concernait que le chêne qui n’est pas utilisé dans la construction bois, nous devons poser la question de notre positionnement à l’échelle française mais aussi européenne.

Quelles sont les perspectives de la construction bois ?

Il peut encore y avoir des points de tension, liés entre-autres à l’approvisionnement les chantiers des Jeux Olympiques de 2024. Mais la dynamique est lancée sur le long terme, la construction bois ne s’arrêtera pas…
Nous sommes en train de bâtir un plan à horizon 2030 pour toute la filière. La construction bois, c’est 12% des débouchés et c’est un marché à forte valeur ajoutée…Il nous faut désormais renouveler les outils de production pour être compétitif au niveau européen, anticiper les solutions à venir et développer les marchés. Les signaux sont bons, c’est le moment d’être ambitieux. La forêt allemande est 50% moins étendue que la forêt française et pourtant elle représente 1 million d’emplois. Il nous reste donc beaucoup de valeur ajoutée et d’emplois à créer pour une filière vertueuse et porteuse de sens.