16 octobre 2020

« Première transformation : il faut aller plus loin et plus vite que le plan de relance ! » 

Dans le cadre du plan de relance, 200 millions d’euros vont être débloqués pour la régénération des forêts, avec un impact attendu sur l’ensemble de la filière bois-forêt. Mais ce soutien sera-t-il suffisant pour permettre aux exploitants forestiers et aux scieries de rebondir ? Le point avec Caroline Berwick, Déléguée Générale Adjointe de la FNB. 

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Caroline Berwick,
Déléguée Générale Adjointe de la FNB


Le plan de relance du Gouvernement prévoit 200 M€ pour la régénération des forêts. Quelles sont les priorités de la filière à ce jour ?


Ce plan est indispensable. Cette aide va permettre de soutenir la filière sur une année, voire deux ans seulement. Mais la forêt, c’est un investissement à long terme : il faudra persévérer. L’impact du changement climatique ne se limite pas à quelques hectares mais concerne des surfaces importantes de forêt. Un travail de fond sur la pérennité et l’adaptation des forêts doit être initié. Nous devons agir vite face au changement climatique et travailler sur le renouvellement des peuplements fortement impactés par les sécheresses successives ou les épidémies de scolytes, sachant que les deux sont intimement liés. C’est un des enjeux prioritaires de la FNB.


Fin septembre, la filière bois-forêt manifestait devant l’Usine Fibre Excellence de Tarascon (13) menacée de fermeture, pourquoi ?

Il s’agit de l’autre dossier qui pèse sur la compétitivité des entreprises de première transformation :  l’alternative des débouchés pour le bois d’industrie et les produits connexes. Ce qu’il s’est passé à Tarascon (13) en est un exemple concret. La papèterie Fibre Excellence de Tarascon consomme chaque année plus de 1 million de tonnes de bois d’industrie et de plaquettes de scierie. Elle constitue le principal débouché de produits forestiers et de connexes de scierie du territoire. 300 entreprises, plusieurs milliers d’emplois pour la plupart ruraux sont aujourd’hui menacés. Sans débouchés pour les connexes, une scierie ne peut fonctionner. Sans valorisation des sous-produits forestiers, la forêt méditerranéenne ne peut pas être entretenue, avec tous les risques incendies que cela comporte. Aujourd’hui, la cessation de paiement de l’usine Fibre Excellence va laisser 10 M€ d’impayés avec des conséquences dramatiques pour toute la filière bois du Sud de la France, au-delà ce sont des matières invendues, à stocker.


Quelles sont les alternatives pour les débouchés du bois d’œuvre et des produits connexes ? 


Aujourd’hui, notre conviction à la FNB, c’est que la première transformation doit sortir d’une dépendance trop forte aux industries du papier et de la fabrication de panneaux qui sont aussi fragilisées. La première transformation doit diversifier au maximum ses débouchés pour ses produits connexes. Pour cela, nous poussons depuis des années le dossier des petites cogénérations en scierie. Elles permettraient aux scieries de produire électricité et chaleur avec leurs connexes et de les revendre aux fournisseurs d’électricité et d’utilisation de la chaleur dans leurs process industriels. A ce jour, l’Etat refuse d’accompagner les petites cogénérations en scieries qui ne sont pas acceptées dans les projets CRE car considérées de trop petites tailles. Pourtant, elles ont un rendement particulièrement élevé. Elles pourraient constituer une autre ressource et apporter un véritable facteur de compétitivité aux scieries. Relancer les projets CRE des scieries est le seul outil pragmatique et opérationnel à disposition pour combler la demande à horizon de 2 ans, à condition de prendre la décision dès aujourd’hui. A défaut, la seule alternative sera l’arrêt de certains chantiers forestiers et la perte massive de la principale énergie renouvelable de la transition énergétique qui sera évacuée à vil prix par bateaux vers le Danemark ou la suède. 


Enfin, le plan de relance a été annoncé début septembre, à ce jour avez-vous des informations sur sa mise en œuvre ? 


Pour l’instant, c’est encore flou. Il ne nous a pas été communiqué de process bien précis sur la mise en œuvre des aides… De même, il persiste des interrogations sur l’origine des fonds qui seront débloqués, sont-ils un « plus » ou bien viendront-ils se substituer à des dispositifs déjà existants ? Ce que je peux vous dire, c’est qu’il y a plusieurs hypothèses envisagées : ces aides pourraient se concrétiser soit par un abondement des fonds de BPI France, soit par une réactivation des anciens dispositifs ADIBOIS d’aide à l’investissement.  Du côté de la FNB, nous militons pour des aides sous forme de provision pour investissement. 
Toutes les pistes sont aujourd’hui explorées mais on ne sait pas encore comment cela se traduira pour les entreprises. Chacune des pistes présente des avantages et des inconvénients. Comme à son habitude, la FNB défendra la mise en place de dispositifs adaptés aux réalités des industriels du bois, en évitant par exemple les effets de seuils qui pourraient pénaliser des petits projets ou encore des taux d’emprunt supérieur aux taux pratiqués habituellement.